
Saviez-vous que le secteur immobilier représente près de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ? D'après le rapport annuel de l'ONU, les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) sont devenus essentiels pour transformer ce secteur à fort impact environnemental.
L'immobilier ne constitue pas seulement l'un des secteurs les plus émetteurs ; il offre également une opportunité concrète de mobiliser les acteurs autour de la transition écologique. En effet, l'évaluation ESG dans l'immobilier présente une particularité majeure : elle s'inscrit dans une perspective d'investissement à long terme, ce qui rend les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance particulièrement significatifs.
Cette réalité économique se traduit déjà par les comportements d'investissement — 42% des investisseurs sont prêts à payer davantage pour des bâtiments plus performants énergétiquement. Ce phénomène s'explique par l'émergence du "Green Premium", cette valeur ajoutée dont bénéficient les bâtiments alignés sur les critères ESG. En revanche, le "Brown Discounting" pénalise désormais les actifs non-conformes, perçus comme risqués et moins compétitifs.
Face à ces enjeux et à ces opportunités, comment évaluer efficacement les critères ESG de votre portefeuille immobilier ? Ce guide vous propose une méthodologie étape par étape pour intégrer ces considérations, devenues incontournables, dans votre stratégie immobilière.
Comprendre les critères ESG appliqués à l’immobilier
Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) transforment rapidement le paysage de l'investissement immobilier. Pour les propriétaires et gestionnaires de portefeuilles, la maîtrise de ces principes devient fondamentale pour anticiper les risques et saisir les opportunités d'un marché en pleine mutation.
Définition des critères ESG
L'acronyme ESG désigne trois dimensions essentielles qui permettent d'évaluer l'impact extra-financier d'un actif immobilier :
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Environnement : Cette dimension porte sur l'empreinte écologique des bâtiments. Elle englobe notamment la performance énergétique, l'utilisation des ressources naturelles, la gestion des déchets et l'impact sur la biodiversité. Les investisseurs analysent désormais la consommation d'énergie, les émissions de CO2, ainsi que la résilience face aux risques climatiques.
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Social : Cet aspect examine comment les bâtiments répondent aux besoins de leurs occupants et des communautés environnantes. Les critères incluent le confort des usagers, la qualité de l'air intérieur, l'accessibilité, la mixité sociale et fonctionnelle, ainsi que la contribution au développement local.
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Gouvernance : Cette dimension évalue la qualité des pratiques de gestion, la transparence des processus décisionnels et les relations avec les parties prenantes. Elle englobe notamment la politique d'achat responsable, l'éthique des affaires et la prévention des conflits d'intérêts.
Dans le secteur immobilier, ces trois piliers ne fonctionnent pas de manière isolée mais s'entrecroisent pour former un cadre d'analyse complet qui tient compte de l'ensemble du cycle de vie d'un bâtiment, de sa conception jusqu'à sa démolition éventuelle.
Exemples concrets dans le secteur immobilier
Pour chaque dimension ESG, on peut identifier des applications spécifiques au secteur immobilier :
Critères environnementaux :
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Réduction de la consommation énergétique et utilisation d'énergies renouvelables
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Limitation des émissions de gaz à effet de serre
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Gestion responsable de l'eau
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Utilisation de matériaux durables et locaux
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Préservation de la biodiversité autour des bâtiments
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Prévention des pollutions (air, eau, sols)
Critères sociaux :
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Création d'espaces favorisant le bien-être et la santé des occupants
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Accessibilité pour les personnes à mobilité réduite
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Proximité des transports en commun et des services essentiels
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Contribution à la mixité sociale des quartiers
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Protection de la santé et sécurité des travailleurs du bâtiment
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Respect des droits des communautés locales
Critères de gouvernance :
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Transparence dans la gestion des actifs immobiliers
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Politique d'approvisionnement responsable
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Lutte contre la corruption dans les transactions immobilières
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Implication des parties prenantes dans les processus décisionnels
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Reporting ESG régulier et vérifiable
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Clauses ESG dans les contrats avec les fournisseurs et locataires
Ces exemples montrent comment les principes ESG se traduisent par des actions concrètes qui modifient profondément les pratiques traditionnelles du secteur immobilier.
Pourquoi l'ESG est devenu incontournable
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi l'intégration des critères ESG est aujourd'hui indispensable dans la stratégie immobilière :
Pression réglementaire croissante
Les réglementations se multiplient à tous les niveaux. En France, le dispositif Éco-énergie tertiaire impose une réduction progressive de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires. Au niveau européen, la taxonomie verte établit des critères stricts pour qualifier un investissement de « durable ». Cette tendance réglementaire ne fera que s'accentuer dans les années à venir.
Attentes des investisseurs
Les investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension et les assureurs, intègrent désormais systématiquement les critères ESG dans leurs décisions d'allocation d'actifs. Ils considèrent que les bâtiments non conformes aux normes ESG représentent un risque financier significatif à moyen terme.
Évolution de la demande locative
Les entreprises cherchent de plus en plus à occuper des bâtiments performants sur le plan environnemental et social, à la fois pour réduire leurs coûts d'exploitation et pour améliorer leur propre image de marque. Cette tendance crée un écart de valorisation entre les actifs "verts" et les autres.
Résilience accrue face aux crises
Les bâtiments conformes aux critères ESG se révèlent généralement plus résilients face aux crises, qu'elles soient sanitaires, environnementales ou économiques. Par exemple, les immeubles énergétiquement performants sont moins vulnérables aux fluctuations des prix de l'énergie.
Performance financière améliorée
Contrairement à une idée reçue, l'intégration des critères ESG ne se fait pas au détriment de la performance financière, bien au contraire. De nombreuses études démontrent que les actifs immobiliers performants sur le plan ESG bénéficient généralement de valeurs locatives plus élevées, de taux de vacance plus faibles et d'une meilleure valorisation à la revente.
En définitive, l'ESG n'est plus une option mais une nécessité stratégique pour tous les acteurs du secteur immobilier qui souhaitent préserver la valeur de leurs actifs à long terme. La prochaine étape consiste à déterminer comment évaluer concrètement ces critères au sein d'un portefeuille existant.
Identifier les enjeux ESG de votre portefeuille
L'évaluation ESG d'un portefeuille immobilier commence par une étape fondamentale : l'identification précise des enjeux propres à ce portefeuille. Cette démarche structurée permet de cibler les efforts et de prioriser les actions qui auront le plus d'impact sur la performance durable des actifs.
Cartographier les actifs concernés
Pour évaluer efficacement les critères ESG, il est d'abord nécessaire d'établir une cartographie complète des actifs immobiliers qui composent le portefeuille. Cette première étape consiste à répertorier l'ensemble des biens en fonction de leurs caractéristiques techniques, de leur localisation, de leur usage et de leur état général.
La méthode la plus efficace implique une analyse systématique qui prend en compte :
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Les caractéristiques techniques du bâtiment (âge, matériaux, équipements)
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La macro et micro-situation géographique
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La fonctionnalité et la durée de vie prévisionnelle
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Les usages et l'occupation actuelle des surfaces
Cette cartographie initiale doit être suffisamment détaillée pour servir de base à l'analyse ESG. Selon l'ASPIM, 87% des fonds immobiliers ont désormais intégré une stratégie ESG contre 81% en 2022, ce qui montre l'importance croissante de cette démarche [1]. Par ailleurs, 81% de ces fonds ont défini des objectifs ESG précis, contre 68% l'année précédente [1].
Analyser les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance
Une fois les actifs identifiés, l'étape suivante consiste à évaluer les risques ESG spécifiques auxquels ils sont exposés. Cette analyse doit être méthodique et couvrir l'ensemble des dimensions de l'ESG.
Risques environnementaux : L'analyse environnementale doit notamment évaluer la performance énergétique des bâtiments, leurs émissions de gaz à effet de serre, ainsi que leur exposition aux risques physiques liés au changement climatique. Actuellement, 72% des fonds s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, soit une hausse de 5 points par rapport à l'année précédente [1]. De plus, 63% des fonds effectuent désormais une analyse des risques physiques de leur patrimoine, ce qui représente une hausse de plus de 10 points en un an [1].
D'après Amundi Immobilier, l'analyse des risques physiques doit prendre en compte la géolocalisation précise de l'actif, sa capacité à résister aux changements climatiques grâce à ses équipements, ainsi que les facteurs aggravants de son environnement proche [2]. Parmi les principaux risques à évaluer figurent la hausse du niveau de la mer, les inondations liées aux pluies, l'élévation de la température moyenne, les canicules et les tempêtes [2].
Risques sociaux : Cette dimension concerne le confort et le bien-être des occupants, l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et l'impact sur les communautés locales. Ces aspects sont devenus des critères d'évaluation essentiels pour les investisseurs qui cherchent à anticiper les attentes des utilisateurs et à assurer la pérennité de leurs actifs.
Risques de gouvernance : L'analyse doit également inclure les aspects liés à la transparence, à l'éthique et aux processus décisionnels. Selon l'ASPIM, 77% des fonds publient désormais leur politique d'engagement vis-à-vis des parties prenantes, en progression de 12 points par rapport à l'année précédente [1]. Cette évolution reflète l'importance croissante de la gouvernance dans l'évaluation ESG des portefeuilles immobiliers.
Évaluer l'exposition aux réglementations
Le cadre réglementaire entourant l'ESG ne cesse de se renforcer, ce qui constitue à la fois un défi et une opportunité pour les acteurs du secteur immobilier. Une évaluation complète doit tenir compte de l'exposition de chaque actif aux principales réglementations actuelles et futures.
Parmi les textes fondamentaux à considérer figurent :
La taxonomie européenne, qui établit une classification des activités économiques durables autour de six objectifs environnementaux: atténuation et adaptation au changement climatique, transition vers une économie circulaire, prévention et contrôle de la pollution, protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes, utilisation durable des ressources aquatiques et maritimes [3].
Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) exige des entreprises qu'elles divulguent les risques climatiques et d’autres informations liées au développement durable dans leurs produits financiers [3]. Aujourd'hui, la quasi-totalité des fonds immobiliers présentent leur classification SFDR, avec deux tiers des encours associés aux fonds immobiliers grand public qui poursuivent un objectif d'investissement durable [1].
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui renforce les règles existantes sur la publication d'informations non financières et introduit le concept de "double matérialité" [3]. Ce principe évalue non seulement l'impact des activités d'une entreprise sur le changement climatique, mais aussi l'impact du changement climatique sur la matérialité financière de l'entreprise [3].
La Loi Climat et Résilience, qui renforce les exigences en matière de performance énergétique des logements [4], ainsi que la RE2020 et le décret tertiaire de la Loi ELAN, qui imposent des obligations de réduction progressive de la consommation d'énergie [4].
Pour les professionnels du secteur, cette analyse réglementaire n'est pas seulement une question de conformité, mais aussi un moyen d'anticiper les évolutions du marché et d'éviter d'investir dans des actifs susceptibles de perdre significativement de leur valeur dans les années à venir.
Choisir une méthode d’évaluation ESG adaptée
Une fois les enjeux ESG identifiés, la sélection d'une méthode d'évaluation appropriée devient cruciale pour obtenir des résultats pertinents et actionnables. Cette étape méthodologique requiert une réflexion approfondie afin de garantir la fiabilité et la pertinence des analyses.
Utiliser une grille d'analyse ESG
La grille d'analyse constitue l'outil fondamental pour structurer l'évaluation ESG d'un portefeuille immobilier. Plusieurs approches peuvent être envisagées :
La méthode matricielle permet de croiser les critères ESG avec les caractéristiques des actifs immobiliers. Cette approche offre une vision d'ensemble et permet d'identifier rapidement les forces et faiblesses de chaque bâtiment selon différents axes d'analyse.
Le scoring ESG attribue des notes à chaque critère selon une échelle prédéfinie. Par exemple, une échelle de 1 à 5 où 1 correspond à une performance très faible et 5 à une performance exemplaire. Cette méthode facilite la comparaison entre les actifs et le suivi des progrès au fil du temps.
L'approche par pondération consiste à attribuer un poids différent à chaque critère en fonction de sa pertinence pour votre stratégie. Ainsi, si la performance énergétique constitue un enjeu prioritaire pour votre portefeuille, vous pouvez lui accorder une pondération plus élevée dans l'évaluation globale.
Il est également possible d'adopter des référentiels standardisés, comme celui du GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark), qui évalue les performances ESG des portefeuilles immobiliers à l'échelle mondiale, ou encore les grilles d'analyse proposées par l'OID (Observatoire de l'Immobilier Durable) en France.
Définir des indicateurs de performance
Le choix des indicateurs clés de performance (KPIs) constitue l'étape cruciale pour une évaluation ESG efficace. Ces indicateurs doivent être :
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Pertinents : en lien direct avec les enjeux spécifiques de votre portefeuille
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Mesurables : basés sur des données quantifiables et vérifiables
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Comparables : permettant des benchmarks sectoriels
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Actionnables : orientés vers des leviers d'amélioration concrets
Pour le volet environnemental, les indicateurs clés incluent généralement :
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La consommation énergétique (kWh/m2/an)
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Les émissions de gaz à effet de serre (kgCO2e/m2/an)
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La consommation d'eau (m3/m2/an)
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Le taux de valorisation des déchets
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La proximité des transports en commun
Sur l'aspect social, on retrouve fréquemment :
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Le taux d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite
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Les indices de qualité de l'air intérieur
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La satisfaction des occupants
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La contribution à l'économie locale
Concernant la gouvernance, les indicateurs peuvent inclure :
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Le pourcentage de contrats intégrant des clauses ESG
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La fréquence des reportings extra-financiers
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Le taux de certification des actifs (HQE, BREEAM, LEED)
Éviter les biais d'évaluation
L'évaluation ESG peut être sujette à plusieurs types de biais qu'il convient d'identifier et de minimiser :
Le biais de sélection consiste à privilégier uniquement les critères sur lesquels les actifs performent bien, négligeant ainsi les aspects problématiques. Pour l'éviter, il est recommandé d'adopter une approche holistique couvrant l'ensemble des dimensions ESG pertinentes au secteur immobilier.
Le biais de comparabilité survient lorsque l'on compare des actifs de nature différente (bureaux vs résidentiel, neufs vs anciens) sans tenir compte de leurs spécificités. Il est préférable de segmenter l'analyse par typologie d'actifs afin d’obtenir des comparaisons pertinentes.
Le greenwashing constitue un risque majeur dans l'évaluation ESG. Pour y remédier, privilégiez les données factuelles et vérifiables plutôt que les déclarations d'intention, et faites appel à des vérificateurs externes pour valider vos analyses.
Par ailleurs, le biais temporel peut fausser l'évaluation si l'on ne tient pas compte des variations saisonnières (notamment pour les consommations énergétiques) ou des effets de cycle économique. Une analyse sur plusieurs années permet de lisser ces effets et d'obtenir une vision plus fidèle de la performance ESG.
Une méthodologie rigoureuse, associée à des critères pertinents et à une vigilance constante face aux biais potentiels, constitue le socle d'une évaluation ESG fiable et utile pour piloter la performance durable de votre patrimoine immobilier.
Analyser les performances environnementales
L'analyse des performances environnementales constitue la pierre angulaire de toute évaluation ESG appliquée au secteur immobilier. Cette dimension mérite une attention particulière, car elle constitue souvent l'aspect le plus facilement quantifiable des critères ESG des actifs immobiliers.
Consommation énergétique et émissions de CO2
Le secteur du bâtiment représente 44% de l'énergie consommée en France, loin devant le secteur des transports (31,3 %) [5]. Chaque année, ce secteur émet plus de 123 millions de tonnes de CO2, ce qui en fait un secteur clé dans la lutte contre le réchauffement climatique [5]. À l'échelle mondiale, l'immobilier est responsable de 37% des émissions de CO2 liées à l'énergie et aux processus opérationnels, soit près de 10 Gt de CO2 [6].
Pour évaluer efficacement la performance énergétique d'un bâtiment, plusieurs indicateurs doivent être analysés :
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La consommation d'énergie totale (kWh/m2/an)
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La répartition par source d'énergie (électricité, gaz, fioul)
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Les émissions de gaz à effet de serre associées (kgCO2e/m2/an)
En France, les émissions liées à l'exploitation des bâtiments représentent 77% des émissions totales du secteur [7]. Cependant, ces émissions ont diminué de 27% entre 2015 et 2022, dépassant ainsi l'objectif de 21% fixé par la Stratégie Nationale Bas Carbone [7]. Cette évolution encourageante s'explique à 60% par l'efficacité des politiques publiques de rénovation énergétique [7].
Labels et certifications environnementales
Les certifications environnementales jouent un rôle crucial dans l'évaluation objective des performances ESG d'un portefeuille immobilier. En France, quatre principaux organismes sont autorisés à délivrer des certifications pour le logement résidentiel : Cerqual, Céquami, Promotelec Services et Prestaterre [8].
Parmi les certifications les plus reconnues figurent :
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La certification NF Habitat HQE (Haute Qualité Environnementale) permet de valoriser les performances environnementales et énergétiques des bâtiments conformes aux meilleures pratiques actuelles [8]. Elle évalue la qualité de vie, le respect de l'environnement et les performances économiques [9].
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La certification BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method) : c'est l'une des certifications les plus répandues en Europe. Elle propose un référentiel d'évaluation spécifique à chaque typologie d'actifs immobiliers et est devenue le standard international de référence [8].
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La certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) : d'origine américaine, elle est considérée comme la certification environnementale la plus exigeante en Europe. Elle se décline en plusieurs niveaux : standard, argent, or et platine [8].
Par ailleurs, des labels spécifiques comme HPE (Haute Performance Énergétique), THPE (Très Haute Performance Énergétique), Effinergie+ ou BEPOS (Bâtiment à Énergie Positive) permettent d'identifier les bâtiments à faible consommation d'énergie [8].
Résilience climatique des bâtiments
Face aux défis du changement climatique, l'adaptation et la résilience des bâtiments deviennent des impératifs majeurs [10]. L'évaluation de cette résilience doit prendre en compte la capacité du bâtiment à faire face aux aléas climatiques, tels que les vagues de chaleur, les vents violents, les inondations ou les sécheresses [10].
La résilience repose sur une bonne connaissance des risques existants autour d'un bâtiment et implique la mise en place de stratégies visant à minimiser les dégâts [11]. Pour les inondations, par exemple, trois stratégies principales peuvent être envisagées : "céder" (laisser l'eau rentrer dans des zones prévues à cet effet), "éviter" (surélever le bâtiment) ou "résister" (empêcher l'eau de rentrer) [11].
Pour les canicules, les solutions visent à limiter la concentration de chaleur autour du bâtiment, notamment par l'installation de volets aux fenêtres ou la végétalisation des abords [11]. Des critères de performance ont également été définis pour évaluer l'efficacité des solutions d'adaptation, dont les risques de surchauffe, la performance environnementale et l'analyse du cycle de vie [12].
Évaluer les aspects sociaux de vos actifs
Le volet social constitue une dimension essentielle de l'évaluation ESG d'un portefeuille immobilier, pourtant souvent moins mis en avant que les aspects environnementaux. Cette dimension mérite une attention particulière, car elle affecte directement la valeur locative et la pérennité des actifs.
Confort et bien-être des occupants
Nous passons entre 80 et 90% de notre temps à l'intérieur des bâtiments, ce qui fait du confort intérieur un véritable enjeu de santé publique [13]. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, la mauvaise qualité des logements est responsable de 100 000 décès prématurés chaque année en Europe [13]. Pour évaluer efficacement le confort des occupants, plusieurs indicateurs clés doivent être analysés :
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La qualité de l'air intérieur et l'efficacité des systèmes de ventilation
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Le confort thermique (température, humidité, absence de courants d'air)
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La luminosité naturelle et l'efficacité des systèmes d'éclairage
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Le confort acoustique et l'isolation phonique
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La disponibilité et la qualité des espaces partagés
Les enquêtes de satisfaction constituent un outil indispensable pour mesurer le ressenti des utilisateurs. Par ailleurs, des solutions techniques comme les systèmes d'éclairage intelligent, les unités de chauffage et de climatisation adaptatives, ou les dispositifs de distribution d'eau optimisés contribuent significativement au bien-être quotidien [14].
Accessibilité et inclusion
En France, une personne sur six vit avec un handicap, soit environ 12 millions de personnes, et 80% de ces handicaps sont invisibles [2]. Depuis la loi de 2005, tous les établissements recevant du public doivent être accessibles à tous les types de handicap [15].
L'évaluation de l'accessibilité d'un actif immobilier doit intégrer l'accessibilité physique (rampes d'accès, ascenseurs), sensorielle (signalétique adaptée, boucles magnétiques) et cognitive (clarté des parcours). Des certifications spécifiques, telles que le Label Accessibilité ou le BAC (Bâtiment Accessible Certifié), permettent de valoriser les efforts réalisés en matière d'inclusion [2].
Relations avec les communautés locales
L'immobilier demeure fondamentalement une affaire de proximité et de relation [16]. L'intégration d'un bâtiment dans son environnement social génère une valeur qui dépasse la simple dimension financière.
Pour évaluer cet aspect, il convient d'analyser l'impact du bien sur la création d'emplois locaux, l'amélioration de la qualité de vie des riverains et sa contribution au développement économique du quartier [17]. Les tendances démographiques et les mouvements de population constituent également des indicateurs pertinents pour anticiper l'évolution de la valeur sociale d'un actif [17].
La transformation des espaces communs en lieux accueillants et inclusifs, ainsi que la participation à des initiatives locales, notamment en lien avec les établissements scolaires qui représentent le cœur des communautés, constituent des pratiques valorisées dans une approche ESG complète [16].
Mesurer la gouvernance et la transparence
La gouvernance constitue le troisième pilier fondamental de l'évaluation ESG et constitue un élément crucial pour assurer la cohérence et la fiabilité de toute démarche responsable dans le secteur immobilier.
Qualité de la gestion et reporting ESG
Une gouvernance solide des données ESG constitue l'un des principaux défis pour le secteur immobilier [18]. La taxonomie européenne, qui désigne la classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement, fournit un cadre pour orienter les investissements vers les activités "vertes" [3]. Par ailleurs, le règlement SFDR exige des entreprises qu'elles divulguent les risques climatiques et d’autres informations liées au développement durable dans leurs produits financiers [3].
La CSRD représente le dernier règlement de l'UE en matière de rapports ESG, introduisant le concept de « double matérialité », qui tient compte non seulement de l'impact des activités d'une entreprise sur le changement climatique, mais aussi de celui du changement climatique sur la matérialité financière de l'entreprise [3]. Cette vision globale offre une vue d'ensemble des interactions entre l'environnement et les entreprises [3].
La vérification de la stratégie ESG fait souvent l'objet d'un plan de contrôle annuel et d'une vérification triennale par un cabinet externe [1]. En effet, la capacité à suivre et à mesurer la performance ESG à l'aide de données précises est essentielle [3].
Engagement des parties prenantes
L'identification des parties prenantes pertinentes et leur association aux démarches ESG permettent de fédérer et d'améliorer la prise en compte de leurs attentes [19]. Une première étape consiste à cartographier ces parties prenantes, puis à établir une matrice de matérialité qui hiérarchise les enjeux ESG de l'entreprise [20].
Selon l'ASPIM, 77% des fonds publient désormais leur politique d'engagement vis-à-vis des parties prenantes [19]. Les comités annuels de parties prenantes constituent une bonne approche pour les impliquer et faire preuve de transparence [19]. Cette démarche améliore la connaissance des enjeux et impacts de l'activité et crée une relation de confiance [19].
Clauses ESG dans les contrats
L'intégration de clauses ESG dans les contrats constitue un moyen concret de concrétiser l'engagement responsable. Ainsi, la clause "baux verts" permet de gagner en transparence quant aux consommations des immeubles (énergie, eau, déchets) [21].
De nombreuses sociétés établissent également des chartes fournisseurs responsables qui expriment leurs attentes et mettent en place une démarche de progrès [21]. Ces chartes incitent les fournisseurs à respecter les lois environnementales, notamment en matière de récupération et de tri des déchets, de réduction des consommations d'énergie et d'utilisation de matériaux recyclables [21].
Dans les relations avec les gestionnaires d'immeubles, les mandats sont renforcés par des clauses ESG afin que le gestionnaire veille à l'optimisation des impacts environnementaux et au maintien des certifications des immeubles [21].
Utiliser des outils numériques et labels pour fiabiliser l’évaluation
L'évaluation ESG nécessite des outils fiables et des méthodologies éprouvées pour obtenir des résultats crédibles. Face à la complexité croissante des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, le recours aux technologies et référentiels reconnus devient indispensable.
Outils de notation ESG
Les solutions numériques de notation ESG permettent d'objectiver l'évaluation des actifs immobiliers. Des plateformes comme GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark) offrent un cadre d'analyse complet, utilisé par plus de 1 200 sociétés et fonds immobiliers dans le monde. Cet outil évalue notamment la performance des portefeuilles au moyen de plus de 50 indicateurs ESG.
Par ailleurs, des solutions telles que Deepki Ready ou Longevity Partners proposent des tableaux de bord permettant de visualiser en temps réel les performances ESG des actifs. Ces outils facilitent l'identification des zones d'amélioration et le suivi des progrès réalisés, tout en répondant aux exigences réglementaires telles que la taxonomie européenne ou le règlement SFDR.
Labels reconnus (BREEAM, HQE, LEED)
Les certifications constituent un élément fondamental pour valider la démarche ESG d'un portefeuille immobilier. En France, la certification HQE (Haute Qualité Environnementale) évalue la qualité de vie, le respect de l'environnement et la performance économique des bâtiments. Elle représente 11% des certifications environnementales dans le monde.
À l'échelle internationale, BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method) s'impose comme la référence avec plus de 500 000 bâtiments certifiés dans 86 pays. Cette certification évalue neuf catégories allant de la gestion de l'énergie à la santé et au bien-être des occupants.
LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), d'origine américaine, constitue, quant à elle, la certification la plus exigeante, avec ses quatre niveaux (standard, argent, or, platine) et sa présence dans plus de 160 pays.
Plateformes de collecte de données
La fiabilité d'une évaluation ESG repose essentiellement sur la qualité des données collectées. Des solutions comme Measurabl ou EnviroSustain permettent d'automatiser cette collecte auprès de multiples sources (compteurs intelligents, systèmes de gestion technique, factures énergétiques).
Ces plateformes intègrent désormais l'intelligence artificielle pour analyser les tendances et proposer des scénarios d'optimisation ESG. Selon une étude récente, l'automatisation de la collecte réduit de 40% le temps consacré à l'analyse ESG tout en améliorant significativement la précision des résultats.
Mettre en place un plan d’action ESG
Après avoir complété l'évaluation ESG de votre portefeuille immobilier, l'étape suivante consiste à transformer ces analyses en actions concrètes. Un plan d'action ESG bien structuré permet de concrétiser l'engagement responsable et d'améliorer de manière significative les performances du patrimoine.
Fixer des objectifs d'amélioration
La définition d'objectifs précis constitue le fondement de toute démarche d'amélioration ESG efficace. Ces objectifs doivent être :
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Spécifiques : clairement définis pour chaque dimension ESG
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Mesurables : quantifiables grâce aux indicateurs identifiés lors de l'évaluation
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Atteignables : réalistes compte tenu des contraintes techniques et financières
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Pertinents : alignés avec la stratégie globale de l'entreprise
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Temporels : assortis d'échéances précises
Par exemple, pour le volet environnemental, un objectif pourrait être de réduire la consommation d'énergie de 40 % d'ici 2030, conformément aux exigences du dispositif Éco-énergie tertiaire. Sur le plan social, l'amélioration de l'accessibilité de 75 % des espaces communs dans les deux prochaines années peut constituer un objectif tangible.
Prioriser les actions selon les scores
Face à la multiplicité des actions possibles, la priorisation devient essentielle. Celle-ci s'effectue généralement selon trois critères principaux :
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L'impact potentiel sur la performance ESG globale
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La faisabilité technique et financière des interventions
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Les délais de mise en œuvre et le retour sur investissement attendu
Un tableau de priorisation peut classifier les actions en quatre catégories :
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Actions prioritaires : fort impact ESG et mise en œuvre simple
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Actions stratégiques : fort impact ESG mais mise en œuvre complexe
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Actions rapides : impact modéré mais mise en œuvre simple
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Actions secondaires : impact modéré et mise en œuvre complexe
Suivre les progrès dans le temps
Le suivi régulier des progrès permet d'ajuster la stratégie et de maintenir la dynamique d'amélioration. Idéalement, ce suivi s'appuie sur un tableau de bord ESG qui récapitule les indicateurs clés de performance et visualise leur évolution.
La fréquence de mesure varie selon les indicateurs : mensuelle pour les consommations énergétiques, trimestrielle pour les aspects sociaux, tels que la satisfaction des occupants, et annuelle pour les évaluations globales de gouvernance.
Par ailleurs, la communication transparente des résultats auprès des parties prenantes renforce la crédibilité de la démarche et favorise l'adhésion collective aux objectifs ESG fixés.
Conclusion
L'évaluation des critères ESG d'un portefeuille immobilier constitue désormais une étape incontournable pour tout investisseur ou gestionnaire d'actifs soucieux de pérenniser la valeur de son patrimoine. Effectivement, la transition écologique du secteur immobilier ne constitue plus une option mais une nécessité stratégique face aux enjeux climatiques actuels.
La démarche structurée présentée dans ce guide permet d'aborder méthodiquement chaque dimension de l'ESG. D'abord, par une compréhension approfondie des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance appliqués à l'immobilier. Ensuite par l'identification précise des enjeux spécifiques à votre portefeuille. Puis grâce au choix d'une méthode d'évaluation rigoureuse et adaptée.
Les performances environnementales, notamment la consommation énergétique et les émissions de CO2, constituent certes le volet le plus visible, mais les aspects sociaux, tels que le confort des occupants et l'accessibilité, s'avèrent tout aussi déterminants pour la valorisation à long terme des actifs. Parallèlement, la qualité de la gouvernance garantit la fiabilité et la transparence de l’ensemble de la démarche ESG.
L'utilisation d'outils numériques et de labels reconnus facilite considérablement cette évaluation tout en lui conférant une crédibilité essentielle auprès des parties prenantes. Ces dispositifs permettent également de suivre les progrès réalisés et d'ajuster régulièrement la stratégie.
La mise en place d'un plan d'action concret, fondé sur des objectifs précis et mesurables, transforme l'évaluation ESG en un véritable levier de création de valeur. Les bâtiments conformes aux critères ESG bénéficient généralement de valeurs locatives plus élevées, de taux de vacance plus faibles et d'une meilleure valorisation à la revente.
Au-delà des considérations financières, l'intégration des critères ESG dans la stratégie immobilière répond aux attentes croissantes des investisseurs, des locataires et des régulateurs. Cette approche globale renforce la résilience des actifs face aux crises, qu'elles soient sanitaires, environnementales ou économiques.
Le secteur immobilier, responsable de près de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, porte ainsi une responsabilité particulière dans la transition écologique. Heureusement, ce même secteur dispose désormais des méthodes et des outils nécessaires pour transformer ce défi en une opportunité. L'avenir appartient indéniablement aux actifs immobiliers qui sauront concilier performance financière et impact positif sur la société et l'environnement.

